Lamba Forever
Mandrakizay
EXPOSITION
DU 8 JUILLET 2023
AU 25 NOVEMBRE 2023
Hier, ici maintenant, pour toujours et à jamais, à l’infini.
Dans toutes les tentatives de représentation culturelle de Madagascar, le lamba est un composant incontournable.
Lamba lamba lamba ary lamba ihany.
À la croisée de tout ce que le lamba peut actuellement signifier et représenter, l’exposition LAMBA FOREVER MANDRAKIZAY met en lumière le caractère, non seulement immuable, mais également sensible de cette étoffe. Dans l’esprit des projets mis en œuvre par Hakanto Contemporary, elle propose au public un regard multiple et pluridisciplinaire sur cette pièce textile, représentant bien plus qu’un medium. Cette exposition montre la pluralité des approches artistiques et la diversité des esthétiques. Les artistes qu’elle réunit ont tous un lien avec le lamba, tantôt un objet de fascination, tantôt d’expérimentation, d’imaginaire, mais aussi de fantasme.
Par définition, le lamba est une pièce textile géométrique, le plus souvent rectangulaire, à porter, à vivre et à user dès le premier jour jusqu’au dernier souffle et même au-delà.
L’usage collectif de cette étoffe, constaté à travers les photographies datant de la fin du XIXe siècle, extraites des archives du Foiben-Taosarintanin’i Madagasikara, reflète sa place immuable dans la société malgache.
Matière, tissage et émotions, un fil qui parcourt le temps et toutes les géographies malgaches
Traditionnellement tissé de manière artisanale avec du coton, de la soie ou encore du raphia, le lamba orne les épaules des femmes Merina*, il s’enroule autour des hanches des hommes Bara**, il drape les corps des Betsileo*** en toute saison… Des variantes spécifiques de ce textile se partagent et s’offrent aussi pour témoigner de la force des liens qui unissent les individus dans différentes occasions, aussi bien heureuses que malheureuses.
En résonance à ces usages, le recours au lamba est tout aussi récurrent dans la langue malgache. D’une part, il constitue un terme générique pour désigner plusieurs objets textiles du quotidien tel que le pagne, la nappe, la couverture ou encore un rideau… D’autre part, il est également présent dans les expressions et proverbes populaires qu’il vient enrichir en illustrant l’importance de la fraternité, de la solidarité, de la vie, de l’amour ou encore de la foi.
Le lamba, sujet esthétique de premier choix comme un souffle de vie et d’inspiration
Si le photographe Kevin Ramarohetra confirme à travers sa série d’images DORIA l’omniprésence du lamba dans le quotidien de la capitale malgache, Antananarivo, les peintres Emile Ralambo et Jean Yves Chen, eux, ont sublimé sous d’autres angles ce rapport permanent au textile dans leurs œuvres respectives. Plusieurs décennies ont beau séparer ces deux tableaux devenus des classiques de la peinture malgache, l’intention de vouloir retranscrire la poésie du lamba les rassemble. Le premier retient sa douce présence dans un paysage rural où le lamba joue une intrigue visuelle tandis que le second reproduit à la perfection les détails des habits blancs emblématiques de la communauté Fifohazana****.
Dans d’autres propositions, le lamba est un processus déroutant. Madame Zo, dont la pratique du tissage est nourrie par une suite d’expérimentations, nous confronte à un assemblage de cassettes VHS transformées en mobilier. Le fil du film traverse ainsi une autre temporalité.
Face au fauteuil, Joël Andrianomearisoa et Madame Zo nous confirment dans leur installation commune inédite FEHY MAINTY montrée pour la première fois à Madagascar que le lamba textile est un jeu de l’impossible désir… Comme une vie dans laquelle le talon transperce le miroir jusqu’au fil qui s’accroche aux lambeaux d’une ivresse.
Ces projets répondent au chapitre Bemiray (patchwork) de l’exposition. Le lamba devient alors assemblage et mémoire pour questionner une identité à la fois personnelle,
mais aussi communautaire.
L’aspect technique dans l’œuvre NY HENDRY NO ANARINA FA NY ADALA NO MANARY LAMBA de Sandra Ramiliarisoa à partir de polyfloss***** illustre une énumération sans fin des pratiques de torsions, de tissages et de nouages.
De manière plus conceptuelle, le bemiray nourrit la démarche de Tsiriniaina Irimboangy dans son installation Sombin-tantara qui rassemble ses éléments de recherche sur le lamba, impulsés par le souvenir marquant de sa grand-mère le portant selon la tradition malgache.
Lambam-pianakaviana
Et si le lamba était la meilleure représentation, symbole ultime de la famille ?
Dans son installation intitulée Any Dada, une manière d’appeler le père absent ou défunt, le comédien Gad Bensalem déconstruit le lamba et tire le fil pour raconter l’histoire
du jeune Doda dans sa quête identitaire, en ressassant le souvenir des femmes qui l’ont élevé et du père qu’il n’a pas connu.
Toujours dans ce registre familial, mais dans une approche architecturale, la plasticienne Nadia Randriamorasata remonte sa généalogie et renoue avec l’histoire de ses origines pour la création de sa pièce 1997 : elle prend le parti d’ériger un ensemble d’architectures en hommage à ses figures familiales, notamment paternelle, qui appartiennent désormais au monde des ancêtres.
Izay sahy maty ihany no mifono lambamena
Dans la culture malgache, le lamba est un des symboles qui lient le monde des vivants et celui des morts : la mort étant conçue, non pas comme une fin définitive, mais plutôt comme une transition vers l’espace sacré des ancêtres. En écho à cette croyance, cette dualité entre la vie et la mort est évoquée dans les œuvres de deux artistes de l’image. Les photographies de Christian Sanna clament que le textile peut être à la fois habit de sensualité et parure de culte ; tandis que la pièce vidéo intitulée OME du chorégraphe et danseur Nazaria Tooj exprime l’idée de renaissance.
S’habiller du linceul de nos désirs et mourir dans l’ombre de tous nos espoirs.
Dans un théâtre imaginaire, une sélection de pièces de créateurs emblématiques illustrent magistralement la maitrise et l’importance des savoir-faire. Ici la géographie n’a plus son importance, H. Ranaivo exhume le linceul traditionnel pour en faire un tailleur de vie. Christian Lacroix se fait broder par les mains malgaches. Clée Rabeharisoa et Charlotte Razafindrakoto suite à leur passage respectif chez Christian Dior et Balmain habillent la haute société des hauts plateaux.
En résonance avec ces créations textiles, l’élégance des sujets portant le lamba photographiés par Ramilijaona et Rasolonjatovo témoigne d’une forme de sophistication autour de cette tradition vestimentaire.
Au-delà des exercices de forme, le lamba s’invite comme des murmures pour nos âmes.
Pour preuve, l’écrivain Jean Luc Raharimanana tisse sa mémoire, sa pensée et ses états d’âme dans ses romans, ses nouvelles et ses essais. Loin d’une œuvre littéraire à laquelle on aurait pu s’attendre, ici l’auteur de « Rêves sous le linceul » et de « Tisser » présente pour la première fois une série de dessins originaux extraits de ses carnets de notes pour
la préparation de ses écrits. Des ratures sans prétention dans lesquelles il habille ses pulsions, déshabille les amertumes d’une société et déchire le voile de l’incertitude.
… et moi je t’aime à la folie avec ton lamba blanc
Henri Ratsimbazafy . 1960
Et quand tu danses à la fête,
tu fais tourner tant de tête avec ton lamba blanc
D’hier à aujourd’hui et pour toujours, le destin du lamba s’imagine comme une écriture infinie. Il continuera à séduire, à inspirer, à demeurer une référence et à se décliner sous toutes les formes possibles, pour toujours, forever, mandrakizay.
Joël Andrianomearisoa . Ludonie Velotrasina . Rina Ralay-Ranaivo
*Merina : peuple des hautes terres au centre de Madagascar
**Bara : peuple des plateaux du sud de Madagascar
***Betsileo : peuple de la partie sud des hautes terres de Madagascar
****Fifohazana : communauté chrétienne prônant le retour aux sources malgaches
*****Polyfloss : fil de laine obtenu par recyclage de déchets plastiques
Mandrakizay : forever, pour toujours.
LES ARTISTES
GAD BENSALEM . JEAN YVES CHEN . TSIRINIAINA IRIMBOANGY . CHARLES EDGAR LINCOLN . JOËL ANDRIANOMEARISOA . MADAME ZO . NAZARIA TOOJ . JEAN LUC RAHARIMANANA . ALPHONSE RAKOTOVAO . GASTON RAKOTOVAO . EMILE RALAMBO . KEVIN RAMAROHETRA . A. RAMIANDRASOA . SANDRA RAMILIARISOA . RAMILIJAONA . H. RANAIVO . NADIA RANDRIAMORASATA . RASOLONJATOVO . CHRISTIAN SANNA . CLÉE RABEHARISOA ET CHARLOTTE RAZAFINDRAKOTO
Commissariat
Joël Andrianomearisoa . Ludonie Velotrasina . Rina Ralay-Ranaivo
Avec la collaboration de
Mboahangy . Collection Yavarhoussen . Collection Nicole Rabetafika . Collection Elia Ravelomanantsoa . Foiben-Taosarintanin’i Madagasikara . Fonds Yavarhoussen . Akanjo . Collection Rabeharisoa . Institut de Civilisations, Musée d’Art et d’Archéologie de l’Université d’Antananarivo . Association Des Médiateurs Culturels – Centre de Ressources des Arts Actuels de Madagascar